mardi 19 juillet 2016

66. LA VAGUE MIGRATOIRE

Nous sommes en Europe aujourd'hui submergés par une vague migratoire sans précédent, oui enfin, en excluant l'arrivée des Huns, des Mongols, des Wisigoths, des Ostrogoths, et autres Goths. Et les Européens eux-mêmes ont naguère migré en masse vers le continent américain, nord et sud confondus. Dans l'Histoire de l'humanité ces tsunami humains ne sont pas tellement rares! Mais on oublie vite.

Les réactions devant ce phénomène de grande ampleur sont diverses et variées mais aboutissent toutes à la même idée, celle qu'on va pouvoir arrêter ce mouvement qui nous dépasse et nous fait peur. Que ce soit en douceur ou par la manière forte, non, on ne va pas l'arrêter. Tout comme on n'arrête pas un tsunami d'aucune manière, d'aucune façon. Derrière un tsunami, après avoir fait la comptabilité des dégâts, on trouve qu'il a apporté des tas de trucs, de nouvelles plantes, un nouveau rivage, une vie renouvelée. Ce n'est plus comme avant, non, ça ne sera jamais plus comme avant. La vie varie mais continue.

Déprimante, mon histoire?! Faut lire la suite...

J'ai moi-même été "migrante". Bien sûr, à une époque où quitter son pays pour aller vivre dans un autre Etat était un acte chic, raisonné, individuel, et où les pays d'accueil avaient tout loisir de vous accepter ou non. Un couple se consultait, allait au consulat prendre les documents, les rapportait bien remplis avec photos des membres de la famille qui comptaient "migrer". Au bout d'un an ou deux, vous receviez la réponse et le mode d'emploi.

Etant marriée à un Australien, j'avais quand même dû faire acte d'une demande d'immigration en Australie. C'était en 1966. Un souvenir resté gravé dans ma mémoire m'est particulièrement douloureux: il avait fallu que je passe une visite médicale et prouver que j'étais un individu sain de corps et d'esprit pour être jugée admissible à devenir une citoyenne australienne d'adoption. Dingue quand j'y repense! Moi, issue d'une bonne famille de la bourgoisie rurale, avec baccalauréat, déjà bilingue, ayant mon permis de conduire, (et sachant monter à cheval... oui bon, ça c'est en option) je me voyais devoir prouver que j'étais assez bonne pour aller peupler leur foutu continent, si lointain qu'à l'époque on n'en revenait pas. C'est ça, l'immigration raisonnée.

Mais la migration des peuples, ce n'est pas raisonnable, ça ne l'a jamais été. Ce sont des gens qui, pris individuellement, vous diront qu'ils ont une telle espérance dans l'avenir que vous en resterez cloué sur place. Le noeud du problème est là. Ceux des gens qui ne migrent pas, qui sont établis, enracinés, stables, statiques, s'accrochent à leur Histoire à un temps T donné et renaclent à avancer vers un avenir uncertain, parce qu'ils croient qu'un bon "tiens" vaut mieux que "deux tu l'auras".  Les migrants, eux, ont une telle foi en l'avenir, leur avenir, qu'ils sont prêts à risquer leur vie pour aller vers cet avenir. Démunis de tout, ils ouvrent de grands yeux devant ce nouveau monde vers lequel ils ont marché. Ils y croient, ils savent qu'ils vont réussir. Ils ont tout à gagner.

Ce nouveau monde vers lequel ils ont vraiment marché... Toutes les histoires de migrants, de réfugiés, d'exilés, parlent de marches, de voyage à pied sur des centaines, voire des milliers de kilomètres. Ils ont la foi. Ils sont sûrs qu'au bout du chemin, là devant eux, est leur brillant avenir. Ils votent avec leurs pieds.

Dans les villages d'où partent les migrants, ceux qui restent sont jugés comme des poltrons, des poules mouillées. Alors le phénomène s'emplifie très vite. Ton oncle est parti, le frère de ta copine est parti, même le vieux chef du village est parti. Rester signifie que tu n'as pas d'espoir dans ton avenir.

Donc, cette énorme vague migratoire se met en branle et arrive sur nos côtes, dans nos contrées, dans nos villes. Et nous en avons peur. C'est là qu'entrent en jeu les accusations de communautarisme, les incantations d'assimilation et d'intégration.

Acte 2, l'intégration. Si tu as survécu à toutes les embûches, tu arrives un jour sur une place dans une ville où on t'a dit que des gens de ta tribu t'attendent et qu'ils t'aideront... à t'intégrer. S'intégrer dans la logique des migrants qui arrivent, c'est se procurer des "papiers", d'une façon ou d'une autre, légalement ou pas. L'idée de "papier" pour définir son existence, c'est nouveau pour ceux qui arrivent. C'est le sésame de leur 'intégration". On leur fichera la paix s'ils ont des "papiers". C'est tout ce qu'ils veulent, qu'on leur fiche la paix. Oui, c'est vrai, les migrants d'Afrique ne cherchent pas franchement à assimiler la façon de vivre des Français autochtones. Ils trouvent triste notre mode de vie. Ils trouvent qu'on n'a pas le sens de la famille, du clan, de la tribu. Ils trouvent qu'on ne rit pas beaucoup et qu'on ne danse pas souvent. Ils trouvent que tout est tellement "organisé".

Je pourrais continuer comme ça très longtemps. Les dix années que j'ai partagées avec des immigrés en région Rhône-Alpes dans les années 70-80 m'ont vraiment appris beaucoup et m'ont ouvert les yeux. J'aurais pu être utile, à l'époque, dans les efforts de l'Administration pour comprendre ce qui se passait. J'étais en fac, en licence d'ethnologie. Mais ce que j'avais à dire n'intéressait personne. Il y a pourtant de nombreuses études faites par des gens dignes de foi, intelligents, compétents. La licence d'ethnologie, les profs d'ethnologie, pour quoi faire alors? ça se passe comme si on ne voulait pas savoir, on préfère s'inventer des histoires et des modèles et croire à des chimères d'assimilation sur le modèle australien ou canadien des années 60. Bonne chance alors!



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