Je suis arrivée en Australie à l'âge de 22 ans et j'ai appris la vie adulte dans ce pays-là. J'ai appris la vie dans un pays FEDERAL constitué de plusieurs Etats autonomes. J'ai appris la vie dans un pays LIBERAL anglophone. J'aimerais pouvoir dire ça sans qu'on m'insulte... dans ma patrie d'origine, la France. Parce que voilà, je n'arrive pas à m'habituer à la hiérarchie à la française, pyramidale, où les dictates viennent d'en haut et dégoulinent jusqu'en bas parmi les exécutants qu'on va surveiller de près, car ils sont bêtes et peut-être même méchants.
Là où j'ai appris la vie, un patron, un chef, un petit chef, fait confiance à son exécutant. Il ne va pas être sur son dos, ni le surveiller de près car il sait que c'est un humain qui a de l'imagination et sans doute des réponses qu'il n'a pas, lui le patron, pour régler les problèmes. Ainsi l'inovation et la vitesse à laquelle un problème se règle, sont démultipliées. Vous me suivez?
Je voudrais illustrer ce que je dis ci-dessus par un exemple vécu. En 1996 je vivais en Nouvelle-Zélande, un pays anglophone du Pacifique Sud où l'on pratique ce que j'appelle la "hiérarchie horizontale". Pour un certain temps je m'y suis retrouvée bergère chez un éleveur de 2000 moutons du côté de Hamilton dans le Waikato. C'était l'époque de la tonte. J'avais contribué à ramener les mérinos néo-zélandais des lointains paddocks vers la ferme où on les tondait. Toute une affaire. Le boss avec ses chiens et son quad poussait les bêtes par derrière, comme font les cow-boys avec les vaches. A un moment donné il avait fallu un temps fou pour faire passer un troupeau d'une cinquantaine de bêtes par la barrière où l'on voulait qu'ils passent. J'avais trouvé ça éreintant et pas franchement efficace.
Or dans ma longue vie, quand j'étais jeune, j'avais aussi vécu en Israël et j'avais pu observer que les bergers arabes sur le plateau de Nazareth faisaient marcher leurs moutons derrière eux, c'est-à-dire qu'au lieu de les pousser, ils les guidaient. Avec un grand bâton en travers des épaules et les bras accrochés de chaque côté, le berger paraît énorme vu par un mouton. En parlant à celui des bêtes qui est le leader dans la hiérarchie ovine, le berger se met à marcher tout simplement. Le mouton-leader suit et alors suivent tous les autres du troupeau.
Donc, quand mon boss m'a demandé un jour de ramener un lot de moutons tondus à leur paddock, j'ai osé proposer une autre manière de faire les choses. Je m'attendais à ce qu'il me renvoie ballader et me dise : "fais ce qu'on te dit et c'est tout"... alors qu'il eut l'air très content de mon initiative et m'assura que la méthode importait peu, c'était le résultat qui comptait. Je me suis mise en route devant mes moutons qui m'ont suivie tranquillement formant un V derrière moi marchant à grandes enjambées. Revenant au hangar pour prendre un autre lot de moutons tondus, j'ai été félicitée pour la rapidité de mon travail... Voilà.
LA HIERARCHIE HORIZONTALE suppose qu'on fasse CONFIANCE à ses EXECUTANTS. C'est bien ce qui manque dans notre pays. La manière de travailler un peu partout, aussi bien dans les bureaux que sur les chantiers, est en hiérarchie verticale où l'initiative des exécutants en bas de la pyramide est barrée, bannie, bafouée. C'est la méfiance qui règne. On surveille. On est sur le dos de tout un chacun à chaque instant comme s'il s'agissait de petits robots susceptibles de se détraquer. Je crois qu'on se trompe. Je me souviens avoir lu le discours d'adieu d'un grand patron américain, chez Ford je crois, qui disait que toute sa vie il avait toujours misé, investi dans l'homme, en faisant confiance aux hommes et aux femmes qu'il avait sous ses ordres. Ce n'est pas à la mode de dire ça. Ce serait bien si c'était à la mode de le faire.
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